By Michel Neumayer | Published | Aucun commentaire
PREMIÈRE PARTIE : PRATIQUES DU CHANGEMENT
DEUXIÈME PARTIE : L’ÉDUCATION NOUVELLE A UNE HISTOIRE
3ÈME PARTIE – LE DEBAT, CREUSET D’ÉDUCATION NOUVELLE
QUATRIÈME PARTIE – Caractéristiques, enjeux, méthodologie(s)
PARTIE 5 – PORTER L’ÉDUCATION NOUVELLE
L’Éducation Nouvelle en 2021 est un réseau
Vivre nos métiers comme espaces de recherche et de coopération
SIXIÈME PARTIE
ÉPILOGUE
Un anniversaire qui oblige. Ce livre peut se lire comme un puzzle à assembler, comme un éventail à ouvrir, comme une série de dominos à disposer sur une table. Il aborde à sa manière une histoire qui peut sembler ancienne – 100 ans d’Éducation Nouvelle – mais dont l’acuité de la pensée, les capacités d’agir dont elle atteste, le souci de relier valeurs et pratiques qui lui est propre, sont tous porteurs d’avenir. Ce livre se prête ainsi à de multiples usages. Il peut être lu tantôt à la recherche de pratiques, tantôt en retrouvant des questions d’Histoire, tantôt en nous mettant à l’écoute des aspects méthodologiques. Les pratiques décrites, le livre les considère non comme des dispositifs à reproduire, mais comme des tentatives de mettre en œuvre des méthodes et méthodologies pédagogiques. L’action résulte à chaque fois d’un tissu d’intuitions souvent fécondes, d’un pari dont on espère un mieux-être en formation d’enfants où d’adultes, d’un risque pris et à prendre et à poursuivre.
Tordons le coup à une idée qui, ici et là, fait florès. Non, l’Éducation Nouvelle n’est pas cette vieille dame « indigne » restée dans nos esprits comme la scorie d’un autre âge. Ce livre est en effet un cinglant démenti à toutes celles et tous ceux pour qui cette Éducation Nouvelle ne serait plus aujourd’hui qu’un vestige, un objet du passé, quelques feuillets imaginés vers les débuts du XXe siècle. Un territoire qui aurait, à l’époque déjà, ému tout juste quelques esprits révolutionnaires en pédagogie. (…) Ainsi, – anniversaire oblige – le livre est certes l’occasion d’un retour réflexif sur 100 ans de pratiques culturelles et sociales. Sur 100 ans d’une utopie politique qui se veut plus vaste qu’un seul projet éducatif. Dans ce retour sur des décennies d’action et de pensées, nous parcourrons de nombreux pays et continents avec en point de mire mille et une manière d’interroger la transmission des savoirs et des cultures, le rapport au savoir de femmes et d’hommes qui se veulent des êtres libres, leur désir de mieux comprendre les sociétés modernes afin de les transformer. Des sujets qui aspirent au débat, à la disputatio dans son sens médiéval[1], à la compréhension de l’autre à travers la faculté d’entrer dans le cheminement de sa pensée. C’est de vivre ensemble sur une même terre, dont il s’agit, sur une planète qu’à bien des égards nous savons menacée.
[1] Dans la scolastique médiévale, la disputatio était, avec la lectio, une des méthodes essentielles et omniprésentes d’enseignement et de recherche.
Nos terrains d’action sont multiples. Les formations que, dans nos pays, nous sommes conduits à assurer dans diverses institutions, dans des territoires de villes et de campagne, avec des associations amies et des syndicats, illustrent à quel point nos approches d’Éducation Nouvelle suscitent souvent l’attention des plus éloignés de la question éducative dès lors que les bases d’un travail commun sont posées : accueil inconditionnel, affirmation du « tous capables, tous chercheurs, tous créateurs », lecture au positif des conduites observées, surtout les plus problématiques, qui contiennent en germe des possibilités de dépassement. Celles-ci sont souvent masquées. Les débusquer suppose de se défaire de quelques idées « qui ont la vie dure ».
Les rencontres internationales, stages, journées de travail que nous mettons en place, nos rencontres réelles et virtuelles permettent de confirmer que l’Éducation Nouvelle agit, transforme, réunit. Les écritures, les livres que nous avons produits et produisons, les revues que nous animons, les sites que nous mettons en place attestent de notre capacité de produire des objets de savoirs et à formaliser, de nous inscrire dans le long terme des réflexions qui cherchent à révolutionner la pensée et l’action.
En épilogue à cet ouvrage, il importe que nous signalions les limites à notre action. Elle est soumise aux capacités financières dont nous disposons qu’elles soient d’origines publique ou privée. Elle se heurte aux logiques de managements ambiantes, aux gestions des collectifs tantôt par la peur, tantôt par le refus de la co-élaboration, tantôt par l’imposition descendante de logiques d’experts ici et là autoproclamés. Elle renvoie plus globalement à la vision que nos sociétés actuelles ont de l’enfant : enfant roi, enfant consommateur et prescripteur de consommation, enfant rivé aux écrans ou enfant créateur de lui-même et producteur de liens avec autrui ? Elle questionne la notion de travail et de travailleurs qu’ils soient homme ou femme, dont bien souvent on ne veut considérer que la tâche en laissant de côté l’invisible de l’activité mentale. Sujets créateurs d’eux-mêmes et producteurs de lien social ou sujets aliénés rivés à la tâche ? Elle alerte sur nos conceptions actuelles de la culture : culture spectacle, culture création solipsiste de soi seul, ou à l’inverse culture de partage, cultures perdues que nous réinventons car, telle Pénélope, nous savons que l’humain, chaque jour, est à réinventer ? Elle questionne la place du corps dans la pensée. Elle pose comme centrale la question de la mémoire et de l’oubli dans les sociétés humaines. Notre combat ne fait-il que commencer ?
Les rédactrices et rédacteurs de l’ouvrage remercient les porteuses et porteurs de l’ensemble des revues qui ont permis la naissance de ce livre et plus particulièrement les revues Dialogues du GFEN (N°s182-183-184 de 2021 et 2022) et la revue syndicale suisse romande Éducateur (Numéro spécial 2021). Tous ces numéros étant consacrés aux 100 ans de l’Éducation Nouvelle.