Les changements dans nos pays et la part prise par le LIEN (Odette Bassis)
By Michel Neumayer | Published | Aucun commentaire
Quelques réflexions, au-delà d’un présent immédiat, pour mieux situer les apports spécifiques de l’Éducation nouvelle dans leurs dimensions à la fois historique et interculturelle.
Une certaine foire de l’Éducation nouvelle ?
Les changements dans nos pays et la part prise par le LIEN, notamment avec les Rencontres de Mahdia ; l’appel à une « Refondation » de l’école en France dans un contexte qui met en mouvement des pôles de Sciences de l’éducation (séminaire sur les pédagogies nouvelles avec dix minutes pour y intervenir !) ; mais aussi l’ouvrage historique de l’Éducation nouvelle (1930-1970) sur « Réformer l’école » minimisant l’apport du GFEN (plan Langevin-Wallon) ; par ailleurs les rencontres de tous ceux qui se revendiquent dans leur histoire de l’Éducation nouvelle
… Bref, une certaine « foire de l’Éducation nouvelle », ouverte sur la place publique, s’installe, avec aussi cette percutante émission « in vivo » de l’école de Buzet (Belgique)
Nos apports
Dans ce contexte, me sont venues des réflexions, au-delà d’un présent immédiat, pour mieux situer nos apports spécifiques, concernant l’Education Nouvelle avec une dimension à la fois historique et interculturelle. Réflexions qui caractérisent nos enjeux et nos pratiques, dans la relation tant à l’école que dans toute formation, entre rapport « au savoir » et rapport « à savoir ».
Relation décisive qui tourne le dos à la fois au « traditionnel » (je dis et tu écoutes) mais aussi à des pédagogies « actives » centrées seulement sur l’enfant alors qu’il a à conquérir ce qu’il est lui-même grâce aux autres et au monde.
Refonder l’école
Parler de refonder l’école, la pédagogie, la formation… comme facteur d’avancée dans notre monde en devenir, ce n’est pas de trouver un–des gadgets nouveaux mais plutôt d’avoir un regard nouveau sur ce monde avec ce qu’il a de précieux à nous apprendre et nous faire inventer.
Deux pôles
Deux pôles me paraissent importants, à croiser bien sûr :
Aspect historique : comment se sont constitués les savoirs, dans quelque domaine que ce soit ? mais toujours dans l’interaction des inventions-créations à la fois singulières, très singulières même, et les interactions avec d’autres, qu’ils soient du passé ou du présent : Ptolémée pour Galilée, Cavendish pour Lavoisier, Manet pour Picasso, Proust pour des écrivains d’aujourd’hui, et dans les avancées technologiques (cf invention et usage d’internet) c’est-à-dire un impact joint à d’autres tout comme, plus près du quotidien, telle situation ou personne qui a marqué notre entrée en compréhension, en écriture, en prises de conscience de tous ordres…C’est-à-dire, au travers de cela, mettre en relation avec une auto-socio-élaboration de nous-mêmes dans notre rapport aux approches et savoirs multiples du monde.
Aspect interculturel : aucune création-invention ne s’est faite dans l’anonymat culturel et social. Plus les recherches avancent en histoire (et préhistoire !) plus on découvre des traces de « passation » des cultures, langues, regards et technologies nourries d’un ailleurs, ce qui donne plus de relief encore aux innovations qui s’en dégagent par exemple alchimie puis chimie, approche des continents par-delà les mers et irruption de la dérive des continents, des 4 éléments des grecs au tableau de Mendeleïev, de l’apport de la numération indo-arabe à son universalité aujourd’hui, etc.. Et donc un fondement d’auto-socio-construction entre cultures et modes de pensée. Donner saveur à savoir, c’est se sentir exister et saisir que tout savoir n’a de sens qu’issu de l’humain parmi les humains.
Une spécificité toutefois, pour école et formation, où est prescrit ce qu’il y a directement « à faire savoir », « à faire apprendre »… quand pour nous il s’agit de faire se construire savoirs et capacités. Des capacités inscrites déjà dans des potentialités (plus ou moins cachées, secrètes…) à stimuler, développer. C’est le sens du Tous capables !
Et c’est surtout l’enjeu de ce Tous capables qui est émancipation (du « cela va de soi », ou du « c’est ainsi ») et qui s’enracine dans une humanité partagée : chacun comme unique et pourtant indissociable des autres, comme il en est pour nos cultures à la fois si singulières et elles-mêmes si indissociables des autres dans ce monde que nous partageons et dont l’avenir dépend aussi de ce que nous en faisons. Ce qui n’est pas dans la négation des différences, voire des conflits : combien de conflits scientifiques, littéraires, artistiques (comme le salon des refusés avec l’arrivée des impressionnistes, ou la bataille de Pasteur, ou Einstein, ou…). Comment gérer les conflits : tout aussi important historiquement que personnellement dans ses apprentissages. Pour découvrir que le conflit peut être porteur d’avancée, où personne n’est perdant. Mais faut-il l’affronter autrement. Enjeu si décisif à l’échelle mondiale aujourd’hui.
Propositions pour les prochaines Rencontres du LIEN
L’idée que je m’autorise à vous soumettre c’est que nous pourrions, pour de prochaines Rencontres du LIEN, apporter les uns les autres des situations et contenus culturels (qu’ils soient scientifiques, littéraires, artistiques ou autres …) dont nous pourrions faire découvrir les richesses historiques et interculturelles des processus qui en ont jalonné leur genèse. Et chemin faisant, en mieux apprécier les « ruptures épistémologiques » (cf Bachelard) qu’ils apportent dans notre rapport au monde.
Pour ma part, et concernant nos « démarches » j’ai pensé constituer tout au moins un power-point, à partir des productions successives des élèves dans leurs processus (productions parlées , dessinées, formulées) pour suivre dans leurs méandres – avec conflits travaillés dans la relation au réel – les avancées conceptuelles effectives pour saisir dans le vécu ce que signifie construire ses savoirs et combien, le faisant, c’est soi-même qu’on fait grandir plus avant. Et il n’est pas d’âge pour cela…Je pense aussi à des démarches sur l’histoire des bonds et rebonds de telle ou telle découverte, de telle civilisation du passé, etc… Comme pour chacun, dans sa propre histoire de vie…
L’objectif étant le lien entre ce qui peut se passer dans un apprentissage vécu comme démarche et ce qui se joue à une autre échelle, sur les plans créatifs, humains, sociaux…mondiaux. Émancipation pour chacun en même temps que travail avec ce qui n’est pas soi, où sont invitées, en les construisant ensemble, lucidité et solidarité.
En somme, des « invariants » à creuser, au travers de l’histoire et de nos histoires, au travers de notre culture et de nos cultures, pour faire germer ce qu’en effet vaut la peine d’être appelé « culture de paix ».
Odette Bassis
