Désespérance et poésie
Difficile, en ce début d’année, de ne pas soupirer.
La guerre en Ukraine qui se prolonge et risque de se propager, le climat qui partout semble se déliter, les catastrophes naturelles qui se multiplient et affectent presque toujours les populations les plus vulnérables, l’économie qui péclote et qui rend plus pauvres ceux qui l’étaient déjà, la perte de vitesse de la démocratie, même en Europe, même en Israël qui jusqu’à peu se targuait à juste titre d’être la seule démocratie au Proche-Orient, et, bien sûr, les enfants, toujours les premières victimes, directes et indirectes, de ces dérèglements – tout cela, franchement, peine à alimenter notre optimisme.
Or, un livre vient de paraître, d’ailleurs avec le soutien de notre Association, au beau titre de Les configurations de la désespérance (sous la direction de Oded Balaban, Aline Alterman, et Henri Cohen-Solal). On en dira davantage plus loin dans cette Lettre mais, pour l’immédiat, je souhaite citer un passage de son introduction qui – même si notre époque n’est pas (encore) celle d’Auschwitz – me paraît propre à nuancer notre regard attristé sur le monde et à laisser place à un rai de lumière pour éclairer notre présent et la représentation de notre avenir :
« Écrire un poème après Auschwitz est barbare », a dit un jour Adorno. À quoi Jerome Rothenberg a répondu, après Auschwitz « il n’y a que la poésie ». C’est ce paradoxe qu’il nous appartient de creuser, car, malencontreusement pour toute paresse de l’intelligence et du cœur, l’un et l’autre ont dit vrai. [Henri Cohen-Solal]
Que ce paradoxe nous aide à continuer à croire aux droits de l’enfant et à la justice sociale, et qu’il nous encourage à nous mobiliser pour eux, envers et contre tout. Car l’action, comme le grec ancien nous le rappelle, est poiêsis, création.
Notre action, notre poésie, seront plus fortes que la désespérance.
Daniel Halpérin (Président)